Histoire de Harbin - de 1896 à 1945

 

La Mandchourie était célèbre pour son chamanisme, le ginseng et les tigres. Le symbole impérial mandchou était un tigre avec une boule d'opium dans sa bouche. Les empereurs mandchous étaient des chamanes accomplis. Tout au long du XIXe siècle, les dirigeants mandchous se sinisèrent progressivement, et au même titre que ses voisins comme la Mongolie et le Tibet, tombèrent sous l'influence d'empires coloniaux comme la Grande-Bretagne, qui lorgnait sur le Tibet, la France à Hainan et l'Allemagne dans le Shandong. Pendant ce temps, l'Empire russe s'est emparé du Turkestan et de la Mongolie extérieure, ayant annexé la Mandchourie extérieure.

La Mandchourie intérieure est aussi passée sous forte influence russe avec la construction du chemin de fer de l'est chinois, qui devait relier Tchita et Vladivostok, avec une branche vers Harbin. C'est en 1896 que le gouvernement russe qui souhaitait étendre le chemin de fer sibérien en Chine du nord-est a choisi Harbin comme centre de gestion de la nouvelle section du chemin de fer.

Avant 1896 Harbin n'était qu'un petit village de pêcheurs nommé Alejin ("Honneur" : le nom Harbin vient de là) par les Jurchens, les ancêtres des Mandchous. Près de 30 000 personnes vivaient alors dans ce qui est maintenant l'arrondissement urbain de Harbin.

Harbin devint peu après le centre de construction du chemin de fer qui reliait en 1904 le chemin de fer transsibérien d'un point à l'est du lac Baïkal en Sibérie avec le port russe de Vladivostok sur la mer du Japon (mer de l'Est). Quand la ligne a été terminée, la ville moderne commençait à prendre forme, et la population à s'accroître.

Harbin était une base pour les opérations militaires russes en Mandchourie pendant la Guerre russo-japonaise (1904-05), et après la victoire japonaise, elle s'est vue placée provisoirement sous administration sino-japonaise. Dans cette série d'évènements historiques, la région de Jiandao (à proximité de la Corée), a été offerte à la dynastie Qing comme compensation pour le chemin de fer du sud de la Mandchourie. C'est ainsi que le Japon a remplacé l'influence russe dans la Mandchourie intérieure, et lança la construction du chemin de fer du sud de la Mandchourie en 1906, de Harbin à Port Arthur (Ryojun pour les Japonais).

Malgré le déclin de l'influence russe, 160 000 ressortissants de 33 pays dont l'Allemagne, la France et les Etats-Unis ont élu domicile à Harbin. Seize pays ont établi des consulats et créé plusieurs milliers de compagnies industrielles, commerciales et bancaires à Harbin. Des Chinois ont également monté leurs propres commerces, dans la brasserie, l'alimentation et le textile. Harbin affirmait alors son statut de centre de la Chine du nord-est et de métropole internationale.

A cette époque, Harbin était divisée en deux sections. La première, l'arrondissement actuel de Daowai, était sous le contrôle du gouvernement Qing. La deuxième, à peu près équivalente aux arrondissements actuels de Daoli et Nangang, était gouvernée par les colons russes, qui la louaient sous le prétexte de gérer la ligne de chemin de fer.

La métropole est devenue un lieu d'accueil pour les réfugiés russes après la révolution de 1917 et a compté pendant un temps la plus importante population de Russes hors de l'Union soviétique : dans les années 1920, Harbin a vu affluer entre 100 000 et 200 000 Russes blancs fuyant leur pays. Harbin concentrait alors la plus grande population russe hors de Russie.

L'Avenue centrale, une des principales rues commerciales de Harbin, est un témoin parfait des activités commerciales internationales de l'époque. Cette artère de 1,4 km est un véritable musée des styles architecturaux européens, dont des façades baroques et byzantines, des petites boulangeries russes, des magasins de mode français, des restaurants japonais, des snacks américains et une église chrétienne. Estimant que l'église déséquilibrait le fengshui local, la communauté chinoise a construit un temple bouddhiste, le Temple Jile.

A l'entre-deux-guerres, la Mandchourie est devenue un champ de bataille politique et militaire. L'influence japonaise s'était étendue en Mandchourie extérieure à la veille de la révolution russe de 1917, mais la Mandchourie extérieure est retournée sous contrôle soviétique en 1925. Le Japon a pris avantage des troubles suivant la révolution russe pour occuper la Mandchourie extérieure, mais les succès soviétiques et la pression économique américaine ont forcé les Japonais à se retirer.

Entre 1932 et 1945, quand la Chine du nord-est faisait partie du royaume fantoche de Mandchoukouo, Harbin était directement sous le contrôle du gouvernement central de l'Etat. Les habitants de la ville étaient forcés d'apprendre le japonais, et ont souffert de préjudice politique sous la domination japonaise virtuelle. Pendant la deuxième guerre mondiale, l'unité 731, une base militaire expérimentale de recherche bactériologique a été créée à Harbin, tuant de nombreux Chinois et citoyens d'autres pays.

La Mandchourie était, et demeure encore une région importante pour ses riches ressources en minerais et en charbon, et son sol est extrêmement bien adapté pour la culture du soja et de l'orge. Pour le Japon d'avant la deuxième guerre mondiale, la Mandchourie était une source essentielle de matières premières. Sans l'occupation de la Mandchourie, les Japonais n'auraient probablement pas pu lancer leur plan de conquête sur l'Asie du sud-est, ou pris le risque d'attaquer Pearl Harbor.

Dans un autre registre, Harbin se vante également d'être une des villes pionnières, avec Beijing et Shanghai, dans la diffusion du Marxisme en Chine. En avril 1919, Zhou Enlai, qui deviendra plus tard Premier ministre, a visité Harbin où il a diffusé la propagande révolutionnaire. En 1923, Harbin a vu la fondation de la première branche du Parti Communiste Chinois (PCC) du nord-est de la Chine. En 1927, le premier congrès régional des communistes de Chine du nord-est s'y est tenu. En 1929, le futur président chinois Liu Shaoqi s'est rendu à Harbin pour mener les révoltes de cheminots. La ville devint ensuite un centre de lutte révolutionnaire et d'opposition aux Japonais.

 

 

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