L'Affaire Simon Kaspé

 

Simon Yossifovitch Kaspé, décédé en 1933, était un habitant juif de Harbin, dont le kidnapping, la demande de rançon, la torture et le meurtre ont favorisé un sentiment anti-japonais dans la communauté juive de Mandchoukouo, et le départ de près de 70% des Juifs de Harbin.

Simon était le fils de Joseph Kaspé, propriétaire de l'hôtel Moderne ainsi que de la majorité des cinémas et théâtres de la ville. Joseph Kaspé avait fui la persécution en Russie, s'établissant à Harbin en 1907. D'abord apatride, il a obtenu la nationalité française pour lui et sa famille. Simon a grandi à Harbin, mais étudié pendant un temps au Conservatoire de Paris, devenant un pianiste accompli.

Alors que Simon était à Harbin pour les vacances d'été du Conservatoire, en août 1933, il s'est fait enlever lors d'une sortie avec son amie. Ses ravisseurs sont apparus derrière lui, et l'ont emporté dans un site à près de 60 kilomètres à l'ouest de la ville. Le jour suivant, son père a reçu une demande de rançon de 100 000 dollars. Cette méthode d'enlèvement n'était pas chose rare dans la Mandchourie occupée par les Japonais des années 1930.

Joseph Kaspé a contacté le consul français de Harbin, qui lui a conseillé de refuser de payer la rançon, et a promis d'agir pour coopérer avec les autorités japonaises pour retrouver Simon. Un mois plus tard, une moitié d'oreille ensanglantée a été envoyée à Kaspé. Le consul français lui a assuré que les autorités étaient sur le point de trouver son fils, et lui a conseillé une nouvelle fois de refuser de payer la rançon.


Simon Kaspé

Le corps de Simon a été trouvé par la police le 3 décembre 1933. Il avait été affamé et battu par ses ravisseurs, qui lui avaient coupé les oreilles, arraché les ongles, et l'avaient forcé à garder sa tête dans un trou sombre et glacé dans le sol, alors que les températures chutaient entre 20 et 30 degrés au-dessous de zéro. Finalement, les ravisseurs ont tué Simon d'une balle dans la tête.

Ils furent des dizaines de milliers, dont des Chinois, des Juifs et d'autres Européens à assister aux funérailles de Simon, descendant dans les rues pour protester énergiquement contre l'occupation japonaise. Alors que Harbin était considéré comme un paradis dans les années 1920, l'occupation japonaise a apporté avec elle des seigneurs de guerre et des hommes d'affaires malhonnêtes qui cherchaient à tirer profit de tout ce qu'ils trouvaient, comme notamment des enlèvements et demandes de rançons. Les manifestations des communautés juives de Harbin et de Shanghai devant le vice-ministre des affaires étrangères japonais Shigemitsu Mamoru restèrent sans effet. Les ravisseurs ont été arrêtés, mais pour être aussitôt relâchés le lendemain ; après leur inculpation au tribunal, le juge chinois a été accusé de trahison. Les ravisseurs ont eu un deuxième procès, au terme duquel ils ont été condamnés à entre 15 et 20 ans de prison, mais furent libérés par amnistie quelques semaines plus tard.

A la suite du décès de Simon Kaspé, des milliers de Juifs ont fui Harbin, beaucoup partant pour Shanghai ou d'autres villes chinoises non contrôlées par les Japonais, certains retournèrent même en Union Soviétique, malgré le fait que beaucoup d'entre eux avait élu domicile en Chine pour fuir les persécutions en Russie.

 

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